Saison culturelle d’Épinay : exigence zéro et stars télévisées aux frais du contribuable
La saison « culturelle » d’Épinay-sur-Seine est organisée par la municipalité elle-même dans les différents lieux culturels qui en dépendent : la Maison du théâtre et de la danse, l’Espace lumière et le Pôle musical d’Orgemont tout juste rénové. On s’attendrait donc à une certaine exigence culturelle dans le programme de la saison. Celle-ci n’a en effet pas les impératifs d’une salle privée, et pas même les contraintes d’une salle subventionnée. Non, la saison d’Épinay est intégralement financée par le budget de la mairie, et donc par les contribuables spinassiens.
Regardons de plus près la luxueuse brochure qui nous a été transmise. Du théâtre ? Quelques représentations ont bien lieu mais les choix interpellent. Une date (un dimanche après-midi) pour L’Avare de Molière, dans la production d’une petite compagnie marseillaise. Il faudrait à ce sujet être clair : soit on fait le choix d’une exigence artistique sans faille et les Spinassiens mériteraient par exemple de bénéficier des tournées de la Comédie française, soit on fait le pari d’une jeune compagnie, mais il aurait alors fallu privilégier une troupe locale, tant Épinay et la Seine-Saint-Denis regorgent de vitalité artistique. Autre classique : La mouette de Tchekhov, mais les Spinassiens n’auront droit qu’à un digest, une version adaptée qui, plutôt que de nous offrir l’une des plus grandes pièces russes, la continue et ainsi « conte l’histoire d’une famille d’aujourd’hui ». D’un sommet de littérature à un puits sans fond de trivialité, la chute sera brutale.
Pour le reste ce qui est désigné sous le nom de « théâtre » traduit le mépris constant de la municipalité pour les Spinassiens. L’Odyssée d’Homère sera racontée en « théâtre d’objet » avec des ustensiles de cuisine et de ménage. Une autre « pièce », programmée en décembre, mêlera « théâtre, chant, musique, vidéo et dessin » sur le thème de l’amnésie. On perçoit le manque d’ambition, l’amateurisme complet, le désintérêt total de la ville pour la culture.
Car ceci n’était « que » le théâtre. La musique classique, l’opéra, la danse classique ou contemporaine, le jazz ? Que nenni, rien ne sera proposé au public spinassien qu’un assemblage hétéroclite et une litanie de spectacles jouant sur le clientélisme communautaire du maire de droite et de son équipe : spectacles mêlant danseurs algériens et burkinabés « dans un esprit soufi » (sic), chorégraphies basées sur la « tecktonik » (cette mode ringardisée depuis 2007), humoristes de café-théâtre, chansonniers… La liste est longue et, une fois encore, la municipalité n’assume même pas de parier sur des artistes souvent amateurs ou débutants. Quitte à faire un tel choix, on comprendrait mieux qu’elle confie la scène à des artistes locaux (ce qui devrait aller de soi surtout en matière de musiques amplifiées et de hip-hop).
On ne verra pas non plus à Épinay de ce cinéma de patrimoine et d’art et essai que l’on conçoit, produit, fabrique dans nos studios et labos, fierté de la ville depuis plus d’un siècle. Rien n’est programmé, pas même dans la nouvelle salle installée au PMO et à l’origine censée compenser les trois salles disparues de l’Espace ciné.
Ainsi, l’événement de l’automne à Épinay, ce sera la venue successive de Jane Birkin et de Pascal Obispo. Quel courage ! Plutôt que la culture, la mairie fait le choix du divertissement de masse, des stars de l’inculture, de l’abrutissement télévisuel, le tout financé par les budgets publics. Quant aux spectacles exigeants, les Spinassiens pourront en trouver dans les villes voisines, au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, au Théâtre de la Commune à Aubervilliers, au T2G de Gennevilliers…
En somme, si l’on veut de la culture, il faut faire ses valises, comme semble d’ailleurs le claironner l’affiche de la saison spinassienne.
De l’exigence : voilà bien, en culture comme ailleurs, ce qui manque cruellement à la mairie d’Épinay.