Maroc et COP 22 : enjeux et leadership
Un contexte particulier
La 22ème Conférence des parties (COP22) de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, qui se déroule à Marrakech, s’ouvre dans un contexte fortement marqué par six événements importants. Tout d’abord, l’élection « impactante » de M. Donald Trump aux États-Unis, « président élu » considéré comme un climato-sceptique, qui, le 20 janvier prochain, succèdera à M. Barack Obama, un climato-engagé. Le poids des USA fait monter la température diplomatique de deux degrés, pour emprunter ici au langage climatique. Ensuite, en Afrique, le retrait extensif des États de la Cour pénale internationale (CPI), renforcée par les menaces de la Fédération russe. Et à cette défiance, qui est sans précédent, s’ajoute des présidentielles pour la plupart contestées en Afrique francophone. Puis, les deux batailles décisives d’Alep (Syrie) et de Mossoul (Irak), qui mènent maintes populations orientales vers l’Europe, où l’on assiste à l’inquiétante montée des « populismes » et qui, en France, comme nous le disions dès 2012, peut voir Marine Le Pen remporter les présidentielles. Enfin, et bien évidemment, il y a l’épineuse « question Sahraoui » qui pèse sur la Cop 22.
Orientations africaines et enjeux marocains
La Cop22 engage trois grandes actions. En premier lieu, un double thème climatique : « l’atténuation aux effets du changement climatique » et « l’innovation en matière d’adaptation ». En deuxième lieu, une mission : « développer des outils opérationnels dans le cadre du plan Paris-Lima puis Paris-Marrakech ». En troisième lieu, sous l’égide du Royaume chérifien, la mobilisation de toute l’Afrique afin qu’elle fasse unité dans ce vaste débat. C’est à cet effet que se tient la conférence des chefs d’État d’Afrique et de quelques autres. Pour le continent, c’est une étape capitale et opportune. Car si, en marge de la Cop22, l’Afrique parvenait à afficher une position commune et cohérente, elle deviendrait non seulement un acteur majeur des futures COP, mais aussi et surtout elle renforcerait son ancrage écologique fort et pourrait lancer d’audacieuses politiques publiques en matière environnementale. Les populations en seraient les grandes bénéficiaires, tant sur le plan de l’emploi que de la qualité de vie.
Le Maroc, un pays et une vitrine écologiques
Le Maroc est un acteur majeur de l’écologisation du monde. Avec l’organisation de la Cop22, rappelons que le Maroc n’en est pas à son coup d’essai. En 2001, il a organisé la Cop7. La Cop22 devrait donc être son « coup de maître ». Ce faisant, le Maroc prend une option écologique importante voire décisive. D’autant qu’il se range déjà parmi les quatre pays les plus écologiques au monde avec le Costa Rica, le Bhoutan et l’Éthiopie.
C’est que l’intentionnalité politique du Roi Mohamed VI est claire et simple : faire du « développement durable » une sérieuse politique publique et assumer le leadership écologique sur le continent avec des projets innovants et audacieux. Parmi ces projets et chantiers, on peut citer les suivantes :
- porter à 42% la contribution des énergies renouvelables d’ici 2020, puis à 52% à l’horizon 2030. C’est dans cette optique que s’inscrivent les projets phares suivants : la centrale solaire d’Ouarzazate, le projet Noor (le plus grand dispositif solaire du monde) et le parc éolien de Tarfaya, le plus grand d’Afrique ;
- les projets écologiques sectoriels : le plan pour la protection des océans et l’initiative Agriculture, adaptation pour l’Afrique ;
- la construction d’un centre de tri sélectif avec production de biogaz ; la rénovation du parc d’éclairage publique ; la réhabilitation de l’actuelle décharge et la création d’une décharge aux normes actuelles ;
- les transports écologiques : l’acquisition d’une quarantaine de bus électriques, le lancement du Vélib (300 vélos en libre-service) et la première course de ‘’Formule E’’ ce mois-ci ;
- le 22 avril dernier : « Journée de la terre nourricière » consacrée aux arbres. La nouvelle loi sur les sacs plastiques (interdiction : production, importation, commercialisation et utilisation) et rénovation du Village des Potiers.
Nouvelle diplomatie et offensive géopolitique
Au regard des observations précédentes, la Cop22 revêt une dimension diplomatique et une portée touristique considérables, pour le Royaume chérifien. En accueillant, sur onze journées, près de 25 000 participants, le Maroc démontre le haut niveau de ses infrastructures touristiques, notamment avec la création du « village éphémère » Bab Ighli, sa forte capacité d’organisation d’événements mondiaux et sa grande maîtrise du dispositif sécuritaire.
Ce faisant, le Maroc indique ses nouvelles orientations diplomatiques, par une offensive géopolitique audacieuse conduite par le roi Mohamed VI en personne : l’Afrique, continent d’avenir. En ce sens, la Cop22 est un moment déterminant et une carte précieuse pour la réintégration dans l’Union Africaine, après trente-deux ans d’absence. Nous pouvons imaginer que la Cop22 sera l’occasion, pour le Maroc, d’obtenir plus de cohésion de ses alliés favorables à son retour au sein de cette institution continentale et d’augmenter le nombre d’États membres favorables à sa cause.
Certes le Royaume a ses alliés traditionnels et historiques : le Sénégal, le Gabon, la Côte d’Ivoire notamment. Après les avoir rassemblés, il lui faut maintenant convaincre certains grands pays du continent comme l’Afrique du Sud, l’Angola, le Nigeria et surtout s’entendre avec l’Algérie son grand voisin et rival sur la « question sahraoui ». C’est le second objectif du sommet des chefs d’États africains organisés en marge de la Cop22.
Une stratégie payante
Payante, parce que le Maroc a assis sa crédibilité et sa notoriété écologiques sur un programme de manifestations culturelles et la réalisation d’une série d’infrastructures écologiques avec, en toile de fond, la mobilisation de l’opinion publique internationale et celle interne des populations.
En marquant des points dans les registres écologique et climatique par ses projets et autour des deux thèmes de la Cop22, en prenant l’initiative d’un sommet africain, le Maroc s’affirme comme un pays incontournable en Afrique, après son rêve européen.