Loi El Khomri : loi travail, enjeu majeur des législatives ?
La loi El Khomri, dite Loi travail du 9 août 2016, adoptée selon la procédure du 49-3, a enclenché le dépouillement du Code de travail. C’est sa visée fondamentale mais inavouée. Emmanuel Macron envisage de la durcir encore, alors même qu’elle aura été l’un des grands facteurs de division de la gauche. On comprend, dès lors, pourquoi elle sera l’un des enjeux majeurs des prochaines élections législatives, au regard de l’engagement du nouveau Président de la République française.
Il nous a donc semblé utile et instructif d’en rappeler les points essentiels, sans lesquels il est bien difficile non seulement de comprendre les débats mais aussi la portée et le sens des combats à venir.
La loi El Khomri compte treize (13) mesures, dont six (6) ne sont que des accessoires ou des dispositifs d’accompagnement pour la rendre acceptable. Ces six (6) mesures sont les suivantes : tout d’abord, les « visites médicales » ne deviennent systématiques que pour les métiers à risques et les travailleurs handicapés ; ensuite, la « Garantie jeunes » devient universelle, puisqu’elle est étendue à tous les 18 – 25 remplissant les conditions ou les critères ; puis, les « forfaits jours » qui, pour des raisons de santé et de sécurité, obligent au suivi du salarié travaillant au-delà des 35 heures de temps de travail ; en outre, le « compte personnel d’activité » qui fusionne avec le compte pénibilité et le compte d’engagement citoyen ; après, le « droit à la déconnexion » dont les modalités sont fixées en entreprise ; et enfin, le « bulletin de paie électronique », qui vient en remplacement du bulletin papier, sauf refus du concerné.
S’agissant maintenant des sept (7) autres dispositions ou mesures qui constituent le cœur de cette loi, au fond, visent au démantèlement directe ou à l’effacement progressif des branches professionnelles (anciennes corporations) et parachèvent le second coup d’État contre la société civile :
1) la « durée maximale de travail » passe de 10 à 12 heures par jour, et ce par accord collectif, et de 48 à 60 heures hebdomadaire avec l’autorisation expresse de l’inspection du travail. Le temps légal de travail est ainsi augmenté ;
2) les « accords d’entreprises » se substituent dorénavant aux accords de branches, avec l’épineuse « inversion de la hiérarchie des normes » par laquelle, lors de négociations, l’entreprise (locale) a plus de poids et de responsabilité que la branche (nationale). C’est le premier affaiblissement direct des syndicats ;
3) le « référendum syndical » est désormais susceptible de valider ces accords d’entreprise, dès lors qu’ils sont signés par un ou plusieurs syndicats représentant au moins la moitié (50%) des salariés. Au demeurant, un tel référendum d’initiative syndicale peut être engagé par des syndicats représentant 30% des salariés et les accords d’entreprises validés à la majorité absolue (50%) des suffrages exprimés lors de la consultation. Ce dispositif référendaire est le second outil d’affaiblissement direct des syndicats ;
4) les « accords dits offensifs », qui inversent et complètent les accords défensifs , autorisent l’employeur à demander à ses salariés de travailler plus, en cas de besoin, notamment lors du développement des activités de l’entreprise, à l’obtention de nouveaux marchés et de signatures de nouveaux contrats. Dans ce cadre, le refus d’un salarié peut conduire à son licenciement économique ;
5) du dispositif précédent, il découle un net assouplissement des « licenciements économiques », en cas de baisse d’activité, de diminution des commandes ou de la réduction des chiffres d’affaires d’une entreprise pendant un certain nombre de trimestres et en fonction de la taille de l’entreprise. Cela correspond, de fait, à une réelle fragilisation des salariés et à l’étouffement de leurs éventuelles contestations ;
6) les « heures supplémentaires », antérieurement majorées de 25% pour les 8 premières heures et de 50% pour les heures suivantes, peuvent désormais être ramenées à 10% par un accord collectif ;
7) les « indemnités prud’homales », jusque-là laissées à la discrétion des juges des conseils des prud’hommes, elles sont à présent plafonnées et harmonisés par un barème, mais cela sans valeur contraignante.
Il saute aux yeux, à moins d’aveuglement volontaire, que la seconde moitié de cette loi n’a été conçue et élaborée qu’à l’avantage du patronat et du capital financier (actionnaires), et ce au détriment du salariat. Mais le plus choquant est qu’elle ait été si âprement portée et défendue, d’une part, par François Hollande, un Président de la République élu sur un programme contraire, et, d’autre part, par le gouvernement de Manuel Valls qui y mettra toute son énergie et sa violence pour la faire adopter.