Lettre à des jeunes militants de gauche d’Épinay sur la fraude électorale
Chères Aline et Samia,
Chers Maverick et Pierre-Alexandre,
En effet, vous avez mené une belle précampagne électorale, six mois durant, de juillet à décembre 2013, aux côtés du groupe Tous Unis pour un nouvel Épinay, auquel vous avez apporté votre soutien actif. Je le sais, que de rues n’avez-vous parcourues, combien d’escaliers montés et de portes toquées, de tracts distribués, de réunions d’appartements faites, d’appels téléphoniques effectués ! « Faire face », c’est cela être jeune et militer. Rilke nomme cela : « le destin ». Et vous y avez pris du plaisir. C’est le plus sûr indicateur, après la fatigue politique.
Comme moi-même, les Spinassiens n’ont pas manqué d’apprécier votre présence, celle d’une jeunesse vive et enthousiaste. Il me plaît de préciser que vous êtes tout d’abord des jeunes bien éduqués. Montesquieu fait de l’éducation la pierre d’angle de la République. Votre politesse, reconnue de tous, est la marque de votre maturité et celle de la solidité de vos convictions éthiques et politiques. Vous montrez qu’on est d’autant plus ferme que l’on est éduqué. Pour toutes ces raisons, les Spinassiens ont mis à profit votre démarche pour discuter et parler de leur ville, et particulièrement de tout ce qui ne va pas. Et votre moisson, à ce que j’en perçois, a été riche. Car, vous avez su nouer de bonnes relations, recueilli de brillantes analyses et répertorié des avis pertinents qui ont modifié votre regard sur notre ville. Tout re-gard véridique est une sauve-garde de l’essentiel. Tout jeune qui, au cours d’une précampagne électorale, ne change pas est un citoyen sans épaisseur. Le réel affermit. Aussi, comment ne pas se réjouir de voir la jeunesse de votre âge mûrir, par son propre labeur ? Vous avez débattu des opinions vraies et retenu de judicieuses suggestions, pleines de bon sens et de sagesse. J’ai assisté à la réunion d’appartement que vous avez faite à Orgemont avec Yannick Trigance. Quel beau moment de culture générale et d’éducation ! Vos amis forment un cercle de jeunes remarquables qui font espérer la banlieue tant décriée.
Dans vos pérégrinations spinassiennes, vous avez remarqué, me dites-vous, que la plupart des échanges tendaient vers un seul jugement : la désapprobation et le rejet de la politique municipale, sur la base d’un triple constat :
- l’inadmissible situation d’insécurité dans notre ville, qui atteste de l’échec le plus lourd du maire sortant et de son incapacité définitive à établir l’ordre public et la tranquillité urbaine,
- le désarroi de la jeunesse de votre ville, qui ne se voit pas d’avenir local,
- l’accroissement régulier de la pauvreté des familles spinassiennes, vrai sujet d’inquiétude.
Vous dites encore, et vous n’avez point tort, que même les prétendues embellissements n’ont eu que peu d’effet sur la conscience politique des concitoyens rencontrés. Parce qu’ils sont à présent informés des malfaçons des nouveaux programmes immobiliers construits à la hâte, et dont « Le Village d’Orgemont » est l’exemple le plus emblématique.
Lors de vos échanges, documents et chiffres à l’appui, vous avez démontré aux Spinassiens que leurs impôts locaux avaient bel et bien été augmentés entre 2001 et 2003. Le maire sortant, après maintes menteries, a été contraint de le reconnaître publiquement. Or, si les impôts locaux ont subi une forte hausse entre 2001 et 2003, c’est qu’ils ont augmentés entre 2001 et 2014. Votre raisonnement est logique. En outre, reprenant le judicieux argument fiscal de Julien, vous leur avez démontré qu’ils avaient connu une deuxième « hausse déguisée ». En effet, alors même que le maire sortant a procédé à des transferts de compétences (de services publics : nettoyage, construction, etc.) vers Plaine Commune, il n’ pas baissé le taux ni le volume des impôts locaux. En déléguant des prestations à la communauté d’Agglomération, il aurait dû réduire les impôts. Et comme il ne l’a pas fait, il les a donc augmentés. C’est une hausse dissimulée.
Ainsi, les Spinassiens ont fait l’objet de 2 hausses successives d’impôts. La première, entre 2001 et 2003. La deuxième, lors des transferts de compétences (moins de services, avec maintien des taux des impôts locaux antérieurs aux transferts de compétences).
Par conséquent, le maire sortant et son équipe de communication n’ont répandu des contre-vérités sur leur prétendue « stabilisation » des impôts locaux. Ah l’arracheur de dents, comme le qualifie si justement Abou, habitant du quartier des Presles.
Puis, reprenant les arguments de Marie-Adeline, vous avez montré aux Spinassiens que l’arrivée du tramway à Épinay-sur-Seine ne doit rien au maire sortant, mais tout à Jean-Paul Huchon, président de la région Île de France.
En somme, la précampagne vous a permis, d’une part, de prendre une part effective à la déconstruction des plus « gros mensonges » du maire sortant, et, d’autre part, d’inciter aux inscriptions sur les listes électorales.
Et, au plan politique, vous avez capitalisé cette phase, en réussissant à créer un « climat » et, plus extraordinaire encore, dès la fin octobre, vous avez été les premiers à ressentir (et à me dire) le début de l’inversion des opinions locales en faveur de la gauche locale.
Plus remarquable encore, tout ce formidable travail de militants ne vous a nullement empêchés de participer à l’élaboration du programme de la Gauche unie, sans doute le plus cohérent que la gauche locale ait conçu au cours de ces vingt dernières années. En effet, cette phase de précampagne (juillet – décembre 2013) vous a permis de rassembler de solides matériaux théoriques que vous avez proposés et fait intégrés au projet de la Gauche unie. Ainsi, avez-vous pris part au « grammage » de ce pro-jet. Ce faisant, vous avez compris le sens exacte du mot pro-gramme.
En tous les cas, je me réjouis que vous ayez proposé un grammage de gauche, parce qu’il a mis la sécurité au cœur de votre future action, la justice sociale au fondement de votre détermination et la place de la jeunesse au centre de votre engagement politique. C’est, je n’en doute pas, un triple motif de fierté, que de le rappeler aux 200 militants et sympathisants des forces de gauche qui ont été mobilisés avec vous.
Petite anecdote. Lorsque je vous voyais arpenter Épinay, il me revenait toujours en mémoire une vieille comptine belge de mon enfance et dont je fredonnais l’air : Un kilomètre à pied ça use les souliers. Au vrai, vous n’avez rien fait d’autre, que d’« user vos souliers ». Et vous m’avez posée une question qui mérite d’être rappelée : l’usure de vos semelles et talons entre-t-elle dans les dépenses de campagne ? Il est vrai, vos jambes sont de fidèles alliés dans vos discussions avec les Spinassiens. C’est pourquoi le grammage du projet pour lequel vous vous êtes mobilisés s’est fait au plus près des réalités locales.
Vous êtes maintenant dans la campagne proprement dite. Et je me réjouis de vous voir amplifier vos actions (phoning, café-débats, réunions d’appartement, visites aux jeunes, etc.) et, chaque jour, vous enregistrez de nouvelles adhésions à nos idées directrices : sécurité urbaine, représentativité politique de la jeunesse, éducation scolaire, emploi d’avenir, insertion professionnelle et logement.
Voyez-vous, je vous accorde volontiers l’appréciation selon laquelle la droite locale (UMP-UDI-MODEM), si intimement unie à l’extrême-droite (FN et MPF), est acculée et dos au mur. Je vais jusqu’à dire que tous les petits secours tactiques que Patrick Braouezec (communiste « réformateur » et président de Plaine Commune) apportent à son allié Hervé Chevreau, candidat UMP-UDI-MODEM-FN, ne suffiront pas à défaire la portée de vos actions.
Soyez fermes, jusqu’au bout, et ce sans désemparer. Car, dans toute élection, notamment les municipales, il est des signes qui ne trompent pas, surtout lorsqu’ils se produisent en fin de campagne. Par exemple, le fait qu’un maire sortant distribue des promesses, pour espérer gagner. Ou quand il procède à des avancements sélectifs de grade ou d’échelon dans le personnel communal qui lui est proche. Lorsqu’il protège ses « proches » en renouvelant leurs contrats ou en les titularisant, trois mois avant l’élection. Ou quand il distribue, en toute hâte, des emplois précaires. Ou lorsqu’il détourne les procédures d’attribution de logements en donnant des appartements à des personnes « réputées » influentes mais dont l’audience réelle est limitée. Le listing des « nouveaux habitants » est instructif à cet égard. Ou lorsqu’il éprouve le besoin de se forger une « popularité » factice, en diffusant une pseudo-liste de soutien de 1 300 noms, ce qui est une forfanterie politique. En effet, plus de la moitié des personnes citées n’ont pas donné leur accord. La mascarade est à présent dévoilée. C’est une véritable honte. En tous les cas, ces pratiques sont l’indication d’une panique politique qui monte dans la droite locale alliée sans vergogne de l’extrême-droite.
Je crois, et dussé-je le répéter, il ne devrait pas y avoir de deuxième tour. Et pour qu’il y en ait un, il ne reste plus à la droite, à l’extrême-droite et aux débris de la gauche locale qu’une seule option : la fraude électorale.
En conséquence de quoi, je vous invite à réfléchir à toutes les dispositions techniques, juridiques et politiques, pour anticiper de telles options :
- soyez donc vigilants, quant à la stricte « neutralité » des services municipaux, en particulier des Affaires générales que dirigent la belle-fille du premier-adjoint et la fille du maire sortant. Il est anormal que ce service, qui est au cœur du dispositif électoral, soit entre les mains des familles du maire et du premier-adjoint. Jamais on avait vu cela, de mémoire de Spinassien. Nous sommes en République bananière !
- je vous enjoins à veiller à ce que la Police municipale ne soit en aucune façon impliquée dans la sollicitation et la collecte des procurations. Cela n’entre pas dans ses attributions et contrevient à la loi électorale,
- je vous invite à bien observer la composition des bureaux de vote, y compris lorsqu’ils seront présidés par des personnes « réputées » de gauche, mais dont l’intérêt de faire perdre la gauche est connue,
- je vous recommande de bien former les assesseurs, suppléants et délégués de bureaux de vote que vous proposerez au candidat de la « Gauche unie ». Ils devront être vigilants,
- je vous suggère le mise en place d’un groupe de travail et d’action sur la fraude électorale,
Car, vous devez prendre très au sérieux les trois « alertes » que nous avons recueillies et qui laissent présager qu’une fraude électorale est possible. Au reste, retenez bien l’intrigue de la pièce de théâtre programmée au Pôle Musical d’Orgemont : L’histoire du Soldat, d’Igor Stravinsky. L’idée centrale est la force du mal, qui voit le triomphe du Diable, à la fin de la pièce. J’hésite à penser qu’il s’agit d’une erreur dans le choix. Peut-être que ceux qui l’ont programmée veulent-ils signaler qu’ils ne renonceront à rien.
À bon entendeur, salut !