Henri IV : un roi populaire, tolérant et équitable
Le 14 mai 1610, il y a donc 404 ans, Ravaillac, un fanatique religieux, frappait Henri IV de deux coups de poignard, dont le second sera fatal. « Ce n’est rien », répéta le roi, avant d’expirer. L’attentat eut lieu rue de la Ferronnerie, Paris 7ème.
De Henri de Navarre, Béarnais (Gascon) de Pau, sur qui Voltaire a rédigé La Henriade, nous retiendrons ici trois traits susceptibles d’inspirer nombre de nos politiques. Et d’abord, le type d’éducation voulu par son grand-père, Henri d’Albret, et dont certains aspects et fondements apparaissent comme une quasi « anticipation » de la méthode Montessori dite de « pédagogie ouverte ». En effet, dans son éducation, la nature (les champs, les montagnes, les cours d’eau, etc.) sera l’équivalent du « matériel concret » montessorien par lequel le « petit prince des montagnes » (Michelet) accomplira les six « périodes sensibles » de l’enfance visant à son autonomie et à sa liberté de jugement. Il est vrai, cependant, que lui-même réclamera le fouet pour l’éducation de son fils, le Dauphin. En tous les cas, si cet apprentissage de l’esprit et du corps se fit dans une sorte de confrontation à la nature, il ne se fit pas pour autant en dehors du monde, mais bien parmi les enfants de sa génération et sans distinction d’origine sociale. Ainsi sera-t-il prémuni des préjugés de classe. En tous les cas, cette éducation « ouverte », qui explique sa « facilité populaire », le rendra sensible à la « misère paysanne », au sort des campagnes, au pâturage et au labourage. Son surnom de « roi des paysans » était justifié. Et Pierre Vaissière a bien raison de le surnommer « premier gentilhomme campagnard de France».
Ensuite, sa tolérance religieuse. Jamais, de mémoire d’historien, il n’y eut en France de roi plus tolérant. Ayant grandi entre les deux principales religions, catholique et protestante, épargné lors de la Saint-Barthélemy, il parviendra à établir la paix des religions, la liberté de conscience et, de facto, l’unité de la nation. Cette tolérance lui permit donc de parvenir à l’unification politique des deux France, par ce qu’il appelait « la charité que nous devons à notre patrie ». Ainsi il sut fort habilement relever l’État tombé en ruine.
Enfin, il fit mettre en œuvre par Sully une politique fiscale qui se voulut équitable, non seulement en s’efforçant d’éviter une imposition excessive et donc inefficace, mais aussi en ayant le souci constant d’être le défenseur des pauvres dont il ne voulait pas accroître la détresse par d’inutiles et abusifs impôts. Sa doctrine fiscale reposait sur deux principes moraux : associer prospérité et partage, et ne pas accabler les pauvres. Ainsi dit-il, « la prospérité de nos affaires dépend du soulagement de nos peuples, nous ne pouvons donner ordre à l’un que nous n’avancions l’autre ». C’est pourquoi il réprimait les abus, comme ceux de l’armée pillant les contrées paysannes. Un exemple. Suite à un pillage militaire de la Champagne, il aura cette phrase célèbre : « quoi ! si on ruine mon peuple, qui me nourrira ? qui soutiendra les charges de l’État ? qui payera vos pensions, Messieurs ? Vive Dieu ! s’en prendre à mon peuple, c’est s’en prendre à moi ».
Soldat de génie, infatigable combattant, artisan de l’État, ouvrier de la concorde nationale, roi populaire, tolérant, équitable, amoureux déclaré de son peuple, il avait, à côté de ses qualités publiques, un mal bien français : « ses belles amours ». Hardouin de Péréfixe écrira : « la passion des femmes fut le faible et le penchant de notre Henri ». Et Michelet ne manquera pas d’en déplorer les conséquences sur l’État.
Tel fut Henri-le-Grand. En ces temps de crise, ses trois plus grandes qualités peuvent encore être utiles. Et qu’un républicain le dise n’est pas peu.
Toutes les citations sont extraites de l’ouvrage collectif dirigé par Max Gallo, HENRI IV, L’homme de la tolérance, collection Ils ont fait la France, Le Figaro, L’Express, Éditions Garnier, Paris, 2011.