Formidable France, quand elle manifeste !
For-mi-dables, for-midables, nous étions for-mi-dables », pour reprendre Stromae, Nous, les quatre millions de manifestants, par toute la France.
Qu’il est réconfortant de voir la France, quand elle est noire…, noire de monde bien évidemment. Et, de place en place, de la République à la Nation, de nouveau, « Paris [était] la capitale du monde civilisé », pour redire le vieux mot de Hegel.
Moi, « je suis de ceux qui manifestent », comme Jean Ferrat. Ma première marche fut contre la loi Haby du 11 juillet 1975, il y a quarante ans. J’avais 18 ans. Et de mémoire de manifestant, je n’ai pas souvenir d’une aussi longue et large marée humaine. Ce fut, hier, un lent et puissant tsunami civil : plus de deux millions de manifestants. 2h25 minutes, pour descendre le Boulevard Magenta, de la Gare du Nord à la Place de la République, distance de 1,7 km qui se parcourt, normalement, en 26 minutes. L’écart de temps indique combien denses nous fûmes.
Et j’entends encore, marchant à côté de moi, un garçon de 9 ou 10 ans dire à sa mère : « on est serrés comme des harengs, mais je suis content ». Dans la foule, je vois Patrice Duhamel : un sourire et un clin d’œil échangés. Nos regards insistent, pour une salutation de la tête. Mais là, présents, tant d’étrangers qui semblaient avoir accourus de toute la terre, en guise de soutien : Européens (Anglais, Italiens, Allemands, Espagnols, Portugais, Roumains, Polonais, etc.), Américains, Indous, Africains, Arabes, Maghrébins, Asiatiques, ensemble, avec les Français de toutes origines. Je ne saurais dire quel peuple a manqué à l’appel. Mais c’est avec une belle joie que j’ai noté, à côté des classes populaires, l’importante présence de la classe moyenne française. C’est un grand signe politique. Un signal social fort. Comme si le Tiers-État de l’abbé Sieyès semblait se réveiller, sortir d’un profond sommeil politique.
En effet, la République française, notre République si malmenée ces dernières années par la droite (destruction des acquis sociaux, chômage, communautarisme, ghettoïsation, maximisation des profits bancaires, etc.), si affaiblie actuellement par la gauche (fiscalité forte, réformes sociétales, rythmes scolaires, etc.), a semblé d’elle-même (hors du politiques) se régénérer après les carnages, puisqu’elle n’accepte plus l’odieux et l’intolérable. Puisqu’elle recommence à proclamer le pacte social qui la fonde : la France est supérieure aux communautés et surpasse toutes les religions. En France, la Raison critique l’emporte sur la Foi.
Parce que la folie est une puissance aveugle :
Ils ont été assassinés, pour leur art de la caricature, nos « Charlie ».
Ils ont été tués, nos policiers, pour leurs uniformes.
Parce que Juifs, ils ont été massacrés, nos concitoyens.
Et la France s’est levée, unanime et forte, pour marcher, comme au temps des Armes citoyennes. L’année s’ouvre donc sur un profond contraste : une France ciblée et la France for-mi-dable.
Nous devons méditer l’actualité. Car après les vigoureuses manifestations contre le « Mariage pour tous » ; depuis le mouvement de révolte des Bonnets rouges contre la fiscalité ; avec les puissantes marches contre le terrorisme et pour la liberté de rire, peut-être est-ce autre chose de plus intérieur qui est à l’œuvre. L’histoire a ses ruses, quand elle commence à procéder par des « contre » !