Épinay-sur-Seine : cas de racisme
Le racisme, dit-on à juste titre, n’est pas une opinion mais un délit. Certes. Mais le lieu où ce délit se commet en modifie substantiellement la nature et en amplifie la gravité. On ne peut, par exemple, situer sur le même plan un propos raciste lancé dans les rues ou prononcé dans les chaumières, avec celui proféré au sein d’une institution publique. En effet, si dans le premier cas, le racisme est « ordinaire », dans le second cas il devient « exceptionnel » et révèle à quel point l’institution s’est abîmée. C’est pourquoi, en matière de racisme, la valeur d’un homme public se mesure d’abord à sa capacité de discernement et à la force qu’il met à combattre et à promptement sanctionner les actes et les paroles racistes, dans l’institution dont il a la charge. S’il s’en accommode, un tant soit peu, il s’expose à la rigueur de la loi de 1981, de la loi Gayssot et surtout de la réforme du Code pénal de 1992 qui indique le caractère délictuel des actes racistes et l’accompagne de sanctions sévères.
À Épinay-sur-Seine, un ancien chef de la Police municipale, noir, Français originaire du Bénin, avait été recruté sur la base de ses compétences professionnelles et de sa formation universitaire (Bac +5 en droit). Son profil correspond à ce que Goethe appelait les « Nouveaux nègres », c’est-à-dire des noirs libres, instruits et cultivés. Mais, dans l’exercice de sa mission, cet ancien chef de la Police municipale a été laminé et livré en pâture aux « chiens » locaux. Il dut démissionner et partir en Guyane y faire valoir ses compétences.
L’une des raisons du départ de ce remarquable professionnel est d’avoir été traité de « singe » par des agents de la Police Municipale placés sous son autorité directe. L’époque, nous dit-on, incline au racisme. Chacun de nous, mémoire fraîche, se rappelle qu’à une date récente, une « Guyanaise », ministre de son État, avait été, photo à l’appui, comparée à une « guenon ». La surenchère d’un journal mesquin avait cru utile d’écrire en titre que cette ministre avait « la banane ».
Mais Joséphine Baker, danseuse célèbre de la Revue Nègre de Paris, grande résistante durant la seconde Guerre mondiale et espionne pour la France libre, quand d’autres n’hésitaient pas à livrer d’autres Français aux chacals d’Anubis, Joséphine Baker, disons-nous, n’hésitait pas à porter des bananes enfilées autour de sa taille pour exécuter danses et ballets nègres. Alors, Mme Christiane Taubira, ne vous offusquez pas des plaisanteries du journal Minute.
Au reste, Jean de La Fontaine a rendu célèbre le « singe ». Car, dans ses fables, « n’est pas singe qui veut ». C’est même, en matière d’intelligence et de ruse, l’animal le plus doué. Aussi, être comparé à lui est plutôt un noble privilège. Alors, être comparé à un « singe » par des policiers municipaux ne devrait nullement le choquer.
En fait, Joséphine Baker et Jean de la Fontaine nous ont vacciné contre cette maladie, pour lors incurable, qui se dénomme racisme. C’est pourquoi, il faut se garder de répondre aux séides du Front National que nous renvoyons à l’excellent ouvrage d’Yves Coppens, Le singe, l’Afrique et l’homme (1983). Car toute réponse, si elle prétend à être juste, ne doit valoir qu’en son heure. C’est dans les urnes que le racisme se combat.
Aussi, pour lors, ne manquons pas d’énergie pour combattre le cousin germain des adeptes du Front National, à savoir le « roi des étangs » qui n’a pas voulu sanctionner, comme il aurait dû, ces agents de la Police Municipale.
Lors du dernier Conseil municipal, avant que Yannick Trigance ne présente un « vœu » de soutien à Christiane Taubira et contre le racisme, le « roi des étangs », qui n’avait rien envisagé auparavant, s’est fendu d’une intervention pour expliquer qu’il n’était pas raciste. En doutait-il lui-même ? Il eut, pour argument principal, la diversité de son équipe de droite. Or, c’est le type même d’argument du raciste. Ainsi Bonaparte, qui édicta des lois contre le mariage entre noirs et blancs, organisa le mariage de Hercule, officier noir de sa garde, avec une blanche. Ou encore Gobineau, auteur de L’inégalité des races, négrophobe avéré mais qui épousa une Antillaise. C’est pourquoi, souvent, le raciste se déclare non raciste, ou lorsqu’il se déclare raciste va chercher son bonheur dans la « race » qu’il incrimine. Le racisme, on le voit, est une contradiction. Il y a aussi un racisme « facile » qui consiste à ne pas se déclarer raciste, mais à le tolérer dans une institution dont on a la charge.
Ce que nous dénonçons, ici, relève du Code pénal. Si nos propos sont mensongers, alors que le « roi des étangs » qui tient séjour aux abords du lac d’Enghien porte plainte. Et sans préjuger de ce que rendra comme verdict le tribunal, nous pouvons vous assurer que les Spinassiens seront édifiés, par les preuves et les témoignages.
Au total, il n’est pas anodin, et il s’en faudrait même de beaucoup, que cet article soit livré le lendemain des obsèques mondiales de « Madiba ». Chacun doit y voir une indication.
Combattre, entre autres maux, le racisme, voilà ce qu’est être de gauche. Aussi, dans le sillage de Serge Reggiani, nous chanterons toujours Sarah et les paroles de Georges Moustaki. Car, être de gauche, c’est d’abord et pour l’essentiel défendre avec détermination la cause des humbles. Tout notre engagement à gauche ne tient que dans cette ligne, depuis Amos jusqu’à Jaurès.
Jamais et nullement ne vous laissez impressionner par le racisme « exceptionnel ».