Noir,Catalan de cœur et pour la Catalogne indépendante !
Noir, Catalan de cœur et, de surcroit, pour la République catalane. Il n’y a, dans cette prise de position, rien de surprenant. Car, je l’ai toujours dit, je suis pour la République universelle, partout où un peuple constitué réclame son indépendance, sous la forme d’une République.
La Catalogne en est à ce stade, dans le cadre d’une sorte d’Indépendance-association avec le Royaume d’Espagne, à peu près sur le modèle proposé par Edgar Pisani entre la France et la Nouvelle-Calédonie. Le Royaume-Uni a constitué le Commonwealth avec, en son sein, des républiques ? L’Allemagne accorde à ses Lander (région) une large autonomie ? L’Europe, qui a tant vanté et promu les Régions, souffrira-t-elle que la Catalogne devienne une région-république ?
Face à la crise catalane, un homme, par sa personnalité comprimée, son caractère rigide, rend quasi impossible toute solution raisonnable pour une sortie pacifique de crise : Mariano Rajoy Brey, actuel président du gouvernement du Royaume d’Espagne. Et nul, s’il est républicain ou simplement homme de bon sens voire même un Européen libéral convaincu, ne peut accepter sa brutalité méthodique et sa surdité politique. Ces deux traits de son tempérament sont devenus des composantes de la crise catalo-espagnole, au point qu’il est à présent permis de se demander s’il n’est pas lui-même le principal problème.
Mariano Rajoy Brey se vautre avec arrogance dans la légalité, pour être volontairement sourd. Il brandit la Constitution espagnole comme une épée, pour décapiter le gouvernement catalan, au lieu de présenter cette Constitution au peuple catalan comme une Table de la liberté. Mais, comment donc, le pourrait-il, lui pour qui pédagogie et patience ne semblent pas être des vertus ou qualités publiques.
Cependant, si sa légalité est suffisante, sa légitimité ne l’est pas vraiment. En effet, rappelons tout de même que sa « légitimité », fortement ébréchée en 2013 par les scandales successifs de corruption (de rétro-commissions) en faveur de son parti politique et les accusations d’enrichissement personnel de certains membres de son entourage, sa « légitimité », disons-nous, ne repose que sur un compromis négatif.
Car, ne l’oublions pas, son second mandat comme président du Gouvernement d’Espagne (2015 – 2019) n’a été obtenu et n’est exercé que « par défaut ». En effet, les dernières élections générales ne lui ont donné ni majorité absolue, ni même majorité relative. Il ne préside donc le gouvernement que « par défaut » ou selon une minorité, sur la base d’une abstention (opportune ?) de députés. Au terme d’une première consultation, sans majorité, sa candidature fut rejetée, au Congrès, par 180 contre 170 voix. Minoritaire donc, il fut incapable de constituer un gouvernement par une alliance avec un autre groupe d’élus ! Et, après avoir joué le pourrissement et le blocage de l’exécutif, c’est lors du second tour d’un deuxième vote (29 octobre 2015) qu’il obtiendra de nouveau 170 voix, contre 111 voix… mais avec 68 abstentions. C’est le plus fragile de tous les chefs d’Exécutif de l’Union Européenne.
Autrement dit, nous sommes en présence d’un président faible à la tête d’un gouvernement fragile, et qui, dans la crise catalane qu’elle a laissé se développer, n’a vu qu’une banale occasion d’affirmer un autoritarisme déplacé, brutal, pour renforcer sa « légitimité » branlante.
Rajoy, comme aiment à l’appeler les médias, est d’un caractère brutal. Il a participé au grand mensonge qui fut à la base de la destruction de l’Irak et de laquelle le monde n’est pas encore sorti. Il s’est appuyé, sans état d’âme, sur son aile droitière la plus radicale pour tordre le bras à Zapatero, lorsque celui-ci était président du gouvernement espagnol et lui chef de l’Opposition. Il a appliqué au peuple espagnol, sans l’ombre d’une hésitation, les mesures ultra-libérales les plus drastiques, après la terrible crise des subprimes, des titres bancaires et des liquidités (2007 – 2009). C’est un tempérament. C’est lui que le Congrès devrait commencer par congédier, si la paix intérieure et la cohésion sociale espagnole sont un objectif. Dans son parti, il est d’autres personnalités plus consensuelles et plus habiles.
Au reste, que le Royaume d’Espagne se garde bien de placer la Catalogne dans la même situation que le Portugal au début du XVIIème siècle.
Qu’elle médite la leçon portugaise.
En effet, la guerre d’Acclamation (1640 – 1668) ou Guerre de restauration de l’indépendance, au terme de laquelle le Portugal se débarrassera de la tutelle espagnole, ne s’amorça qu’à la suite d’un soulèvement militaire de grande ampleur en Catalogne contre les Habsbourg d’Espagne (Philippe IV d’Espagne, dit Philippe III du Portugal). À cet égard, il est intéressant de signaler que, à l’époque, les Portugais menacèrent de proclamer la République, si jamais la maison de Bragance tergiversait face à l’Espagne. Jean IV du Portugal devint le nouveau souverain, restaurant l’antique monarchie sous les clameurs de l’Angola, de Timor, du Cap Vert et d’autres colonies portugaises.
L’Union Européenne devrait non pas persifler l’idée d’une indépendance de la Catalogne, mais apporter son appui à un dialogue. Si aucune initiative n’est prise, si tout est laissé à l’entêtement de Rajoy, l’étincelle catalane pourrait devenir une flamme.
Souvent, scandent les Tragédies grecques, à l’inattendu les dieux livrent passage. L’entêtement de Rajoy est peut-être l’une des conditions de l’indépendance de la Catalogne.
En tous les cas, par-delà les principes d’une République universelle et d’une Nation unique, il me souvient ici d’un des plus brillants intellectuels catalans, Louis Sala-Molins, au courage duquel nous devons d’avoir tiré de l’oubli l’un des ouvrages les plus ignobles des siècles passés : Le Code noir, dont l’ignominie nous rappelle que le combat pour la liberté et l’égalité n’ont de cesse que la paresse de la volonté.