L’âne portant des reliques. À qui se sent concerné
L’âne portant des reliques de Jean de La Fontaine
Un baudet chargé de reliques
S’imagina qu’on l’adorait :
Dans ce penser il se carrait,
Recevant comme siens l’encens et les cantiques.
Quelqu’un vit l’erreur, et lui dit :
« Maître baudet, ôtez-vous de l’esprit
Une vanité si folle.
Ce n’est pas vous, c’est l’idole,
A qui cet honneur se rend,
Et que la gloire en est due. »
D’un magistrat ignorant
C’est la robe qu’on salue.
Maints hommes politiques, une fois élus, gagnent l’estime des autres, en raison du pouvoir de décision qu’ils ont sur le destin de leurs concitoyens. Ils oublient que ce ne sont pas eux mais le pouvoir en tant que tel qui crée cette estime. Dès lors qu’ils perdent leurs charges, ils sont négligés par ceux-là mêmes qui les flattaient.
En banlieue, il est des personnages politiques qui ont oublié que, méconnus hier, ils n’étaient point considérés. Connus aujourd’hui, ils croient bien à tort, comme le clavecin de Diderot qui, oubliant qu’il était un instrument se prit pour le claveciniste. Tel ce Spinassien qui, inconnu par le passé mais élu, s’imagine que la ville lui appartient. En son temps, Gabriel Bonnot de Mably fit une mise en garde au Roi : « La France ne vous appartient pas, c’est vous qui lui appartenez ». Cette vérité vaut encore. S’agissant d’un élu, c’est la fonction que l’on salue, pas lui. Et dans son style fécondant, c’est ce que Jean de La Fontaine, pédagogue inégalé, nous enseigne dans L’âne portant des reliques.
Sachons donc cultiver l’humilité, et plus encore lorsque le peuple confie un mandat. Car il sait le retirer à point.