Hommage à Bana
Adieu Bana !
Depuis 60 ans, il dominait sans rival la musique capverdienne, après lui avoir conféré ses premiers titres de noblesse. Pour lui, et dans la filiation des poètes Hespéritains, la musique est l’art des muses. Il semblait inspiré par les Muses ou les trois Hespérides. Que des chansons à texte. Son répertoire est immense.
Grand de taille, Bana, c’est avant tout une voix, sans doute la plus appropriée pour chanter la morna et la coladeira, l’avers et l’obvers de l’âme du Cap Vert, entendue comme matin de Douleur et soir du Souvenir. Bana, c’est le dor (douleur) et la sodade (Souvenir). Il faut écouter et méditer Dor di nha Dor (Douleur de ma douleur) ou sangloter avec lui le destin terrible de Maria Barba, obligée à l’exil par la famine. Qui, mieux que lui, aura su chanter le long et lointain chemin de douleur, Caminho de San Tomé ? Mais il sut aussi répandre la joie de vivre. Il faut entendre et remuer sur Mancidao ou Stanhadinha. Aucun chanteur, mieux que lui, n’a su faire la coladeira.
Il est un vieux verbe français, « musiquer », dont nous avons perdu l’usage. Bana l’avait ressuscité. Bana musiquait. Il n’eût pas le destin tardif et mondial de Cesaria Evora. Le sien fut précoce et national (capverdien). Mais combien fabuleux ! Permanent. Pour le Cap Vert, il était comme la synthèse de Léo Ferré et de Jacques Brel. J’aurais tant aimé qu’il fit un duo, avec Bernard Lavilliers.
Adeus p’eternidade !