Emmanuel Macron et la revanche des Gaulois
Les Gaulois, branche ethnique des Celtes, sont égalitaires depuis toujours. Emmanuel Macron l’a sans doute oublié, si jamais il l’a su. Les Francs, eux, ont emmené la hiérarchie monarchique (inégalitaire) et la cavalerie lourde, en France (Fernand Braudel), lorsqu’ils franchirent le Rhin, en provenance de Germanie (Allemagne).
Il y a deux grandes inégalités que les Gaulois ne supportent pas, sauf quand ils ont été vaincus militairement, perdant ainsi leur liberté, comme ce fut le cas avec les Romains puis les Francs.
La première inégalité est politique : à l’origine, les Gaulois étaient « républicains », c’est-à-dire prônaient l’Égalité, et donc bien avant que naisse la République (1792). L’un des exemples les plus éclairants de ce trait est tiré d’une crise institutionnelle. En effet, au milieu du IIème siècle avant J.-C., Bituit (fils du chef gaulois Luern) attaquera Massalia (Marseille) qui fera appel à Rome. Ainsi s’engagera la première guerre, entre Gaulois et Romains. C’est dans ce cadre que Celtillos, un autre chef gaulois, battra Ahenobarbus (général romain). Et, grisé par cette victoire, il voulut se faire sacrer roi, ce qui rompait les équilibres institutionnels gaulois dont les deux plus importantes consistaient en un Sénat et le vergobret. C’est pour cela qu’il sera mis en accusation par le sénat et son frère, Gobannitio. Il sera alors jugé, puis brûlé vif sur la place publique. Vercingétorix, son fils, assistera au bûcher. Il n’avait que dix ans. Et dix ans plus tard, à la tête des Arvernes, il prendra la tête des tribus gauloises, contre Rome et Jules César. Tels sont les Gaulois ! Et ce trait politique, le Président Emmanuel Macron ne l’a pas compris au point de railler leur caractère « réfractaire », à Copenhague.
C’est encore les Gaulois qui trancheront la tête du roi Louis XVI. « Gaulois », c’est ainsi que les révolutionnaires de 1789 se qualifiaient, en réplique aux aristocrates et à la noblesse qui se vantaient d’être descendants des Francs, comme l’a rappelé Marc Belissa dans Fraternité universelle et Intérêt national (1713 – 1795).
Malheur à qui, en France, ne connaît pas les Gaulois ! Car, Gaulois sont les Gilets jaunes ; Gaulois sont les Lycéens ; Gaulois sont les transporteurs, Gaulois sont les Agriculteurs, comme le furent Jean Moulin et tant d’autres avant lui.
La France sera toujours traversée par cette ligne de fracture « ethnico-politique » qui verra s’opposer longtemps encore les Gaulois (peuple et classe moyenne) aux Francs (aristocratie, noblesse, riches). Et que l’on ne se méprenne pas. Ainsi, sous la 3ème République, lorsqu’Albert Duruy lancera son célèbre mot, « nos ancêtres les gaulois », c’est au premier degré qu’il fut écouté. Mais ce n’est pas au pied de la lettre qu’il eut fallu l’entendre. Il voulait simplement rappeler pour réaffirmer que le caractère français est à dominante gauloise, autrement dit « est » républicain. Les Gilets jaunes sont des Gaulois ou des Sans-culottes, ce qui revient à dire le même. Qui ne le comprend pas, ne comprendra pas pourquoi les Gilets jaunes veulent « abattre » la République monarchique et son Roi-président ou Président-roi. D’autant plus qu’Emmanuel Macron, venu au pouvoir comme Louis-Philippe 1er et présidant avec les défauts de François Guizot, ne sait pas incarner la fonction.
La deuxième inégalité est sociale. Le Français mangeur de pain (1) est le titre d’un chapitre de L’identité de la France de Braudel. En effet, tout tient dans le blé. Toutes les grandes crises sociales sont liées au blé avec lequel on fait le pain, symbole et produit de consommation. La crise du pouvoir d’achat est symbolisée par un « manque de pain » porté par une image forte tiré d’un constat violent : ‘’les frigos sont vides à partir du 15 de chaque mois’’. Cela, Emmanuel Macron, Président de la République, et Édouard Philippe, Premier ministre, ne veulent pas entendre.
Quelle idée, farfelue ou saugrenue, de se (faire) surnommer « Jupiter », Dieu des Romains, chez les Gaulois ? Et n’a-t-il jamais lu Astérix ?
L’époque est morose. Depuis une quinzaine d’années, les Français ne rient plus. Or le rire est un trait français, comme l’a rappelé Alexandre Ysabeau qui écrit : « La vivacité du regard moins perçant, mais plus bienveillant et aussi spirituel que celui de l’Italien, le front large et élevé et la bouche presque toujours entr’ouverte pour la parole et pour le rire, [tels…] sont les traits les plus distinctifs [des Français] (2) » . Les émissions quotidiennes de télévision se forcent, tant bien que mal, de faire rire. Mais on rit, quand le réfrigérateur est plein, et non pas quand le « reste à vivre » est si inférieur au « revenu mensuel », jusqu’au point où il disparaît et n’existe plus. Cette réalité contradictoire Emmanuel Macron, qui a pourtant étudié Hegel, c’est-à-dire « la dialectique », ne parvient pas à la saisir.
Il y a des solutions rapides et simples pour redonner immédiatement du pouvoir d’achat aux Français, dès janvier, par un décret-loi : suppression immédiate de l’usure opérée par les Banques et les sociétés immobilières, après avoir annulé les taxes sur le carburant et rétabli l’ISF, avant fin décembre. Faire cela, c’est immédiatement redonner « du pain » aux Français, par un gain mensuel de 250 euros net, en moyenne, aux ménages. Certes, d’autres mesures sont possibles, mais elles n’auront pas le même effet. Faire autrement, chercher à gagner du temps, c’est consolider la révolte en cours et précipiter la Révolution. Nous ne sommes qu’au début de la revanche des Gaulois.
L’histoire est un maître. À la fin de sa vie tumultueuse, Bonaparte, qui avait dans sa jeunesse fréquenté les grands intellectuels de son époque, se souviendra de son ancien mentor, Volney, et en particulier de ses Leçons d’histoire, lorsqu’il écrira dans le testament à son fils : « l’histoire est la seule philosophie ». Malheur à qui écoute, mais n’entend pas l’histoire !