Côte d’Ivoire : aux « démagogues » qui entourent M. Alassane Ouattara
Ils entourent le président de la République ivoirienne et l’enserrent par des cloisons étanches, comme le font ceux qui ne savent que défendre leurs propres intérêts et qui, de l’esprit public (intérêt général), n’ont qu’une bien vague idée. Leur objectif premier est de rendre sourd tout chef d’État. En vérité, ce ne sont pas des conseillers, au sens où l’entendent Bossuet, dans Politique tirée des paroles de l’Écriture sainte, Machiavel, dans Le Prince, ou Gabriel Naudé dans ses Considérations politiques sur les coups d’État. Un bon conseiller est celui qui ouvre les oreilles et les yeux du « prince », au seul profit de l’intérêt général.
Au vrai, le rang de « Conseiller » n’est pas réductible à un titre ou une fonction. Un décret nomme un conseiller mais n’en fait pas nécessairement un excellent. Car, c’est aussi un métier, une expérience, une culture mais surtout un caractère ferme qui ne vacille pas et n’adule pas. Ceux dont nous parlons ici ne sont que des « flatteurs », dont la Bruyère a fourni une description détaillée et que chaque citoyen devrait lire pour sa propre instruction. En version ivoirienne, et pour reprendre une désignation connue, on les appelle les Messieurs Tôgô Gnini, des « porte cannes » (Bernard Dadié). Isl sont aussi des démagogues qui, selon Aristote, n’apparaissent qu’à des moments déterminés de la vie des États.
Et on mesure le poids et la portée de l’emprise de ces hommes d’influence, en rappelant comment ils ont pu convaincre Bonaparte, homme pourtant cultivé, qu’il était né d’une mère vierge. Ce sont de véritables professionnels en histoires « merveilleuses ». Ils savent conter et raconter journellement ce que veulent entendre les oreilles faibles des chefs d’État. Ils ont acquis l’art de frapper leurs oreilles à l’aide de mots flatteurs. Souvent, ils invoquent leurs songes nocturnes ou Dieu lui-même, pour parer leurs flatteries d’une caution divine.
En Côte d’Ivoire, ils sont parvenus à faire accroire au président Alassane Ouattara que, sans lui, pas de paix publique, moins encore de croissance économique et aucune stabilité politique. C’est en raison de telles menteries que le président Alassane Ouattara a invoqué, sans employer le mot, la notion de raison d’état, qui le ferai renoncer à ses principes (deux mandats maximum) pour justifier son éventuelle candidature en 2020.
Comble de stupéfaction, ils lui font croire qu’il est toujours majoritaire dans le corps électoral, en dépit même de la perte du soutien de Henri Konan Bédié, indéboulonnable patron du PDCI-RDA (plus vieux parti politique) et ‘’maître’’ de la plus grande partie des électeurs (30%) Akan ; de même, malgré les réticences de Soro Guillaume (RDR), véritable homme fort du nord du pays ; et nonobstant le silence du célèbre prisonnier de la Haye, Laurent Gbagbo, dont le parti en crise (Front Populaire Ivoirien), reste cependant majoritaire dans l’ouest ivoirien. En outre, depuis quelques semaines, avec la quadruple crise socio-économique (opérations de déguerpissement, petits commerces, transports) et climatique (pluies diluviennes), il est désormais manifeste que, désabusée, une partie de la base électorale du RDR se démobilise.
Comment, dans ces conditions, comprendre le pari risqué de tous ceux qui, en dissidence au sein du PDCI-RDA, prétendent au président Alassane Ouattara qu’ils y sont majoritaires ?
L’éventuel et épineuse question du 3ème mandat du président Alassane Ouattara ne reposent que sur ce type de flatteries grossières. Et comme le disait Marthe Robert cité par Georges Jean : « les histoires à dormir debout sont de celles qui tiennent le mieux éveillé ». Messieurs les Démagogues, de grâce, arrêtez l’exercice funeste de vos conseils. Votre capacité de persuasion, mettez-le au service de votre pays, de votre État et de votre nation.
Mais les gouvernements, dit Hegel, ne tirent pas les leçons de l’histoire. Et le philosophe allemand n’a pas tort. Toutefois, il ne nous paraît inutile d’attirer l’attention du président Alassane Ouattara sur le fait de ne pas briguer un mandat supplémentaire. Ce serait le combat de boxe de trop. Barack Obama indiquait que deux mandats suffisent au bonheur d’un chef d’État. Mieux vaut l’écouter ! Ses conseils valent bien mieux que ceux des flatteurs qui entourent le président Alassane Ouattara. Car, tout cela pourrait se terminer par des tragédies. La Côte d’Ivoire en a déjà assez connues et combien souffert !