Macron, les bras cassés de la République et Donogoo-Tonka
Annonce publique : jeune candidat recherche soutiens pour les présidentielles !
Et puis, en grand théâtre pour les uns, en génuflexion pour les autres, mais tous à la queue-leu-leu, on ne voit poindre que des fins de carrière : Gérard Collomb (PS) le revanchard, François Bayrou (MoDem) l’aigri, Robert Hue (ex-PC) l’égaré, Alain Madelin (?) l’incertain, Daniel Cohn-Bendit (ex-EELV) la pagaille, François de Rugy (EELV) le félon, Patrick Braouezec (PC) l’endommagé, Dominique de Villepin (LR) l’amertume, Bertrand Delanoë (PS) la casuel, Bernard Kouchner (?) le désespéré, Claude Bartolone (PS) le vexé, etc. Dans la file d’attente : François Hollande, et quelques autres.
Pour peu, on croirait être au cœur de la République des Grenouilles dont Jean de la Fontaine met en fable la croassante unanimité près des étangs. Mais, au vrai, nous sommes en présence du célèbre et prestigieux troupeau de Dindenault, qui vendit un mouton à Panurge. Or, ce dernier, après cet achat, jette à l’eau un mouton qui est aussitôt suivi aussitôt par tout le troupeau. Et, drame, Dindenault voulant sauver son cheptel finit lui-même par se noyer.
C’est à un spectacle à peu près identique que nous assistons avec cette République de « bras cassés » qui ont échoué politiquement et sont responsables de la situation dans laquelle se trouve la France. Cet aréopage riche d’un beau plumage croit impressionner le corps électoral par la mise en scène des ralliements successifs à Macron.
Misère de la politique : unanimes, ces « bras cassés » de la République ont trouvé deux prétextes. En premier lieu, la victoire du Front National, dont Macron serait devenu, en un trimestre, le seul antidote. C’est l’argument de la peur et du réflexe. La crainte n’est pas le principe de la République, disait Montesquieu, après Aristote. Ce n’est donc pas l’argument de la raison naturelle et de la maîtrise de soi. En second lieu, le revenu universel de Benoît Hamon, considéré comme pure folie macro-économique, c’est-à-dire, en leur langage, un crime de lèse-capitalisme.
Mais la ficelle est trop grosse et la nasse bien petite. En effet, bien étrangement, c’est juste après le retentissant échec de l’élimination de François Fillon, que surgit une autre ruse : Macron, seul rempart démocratique contre le Front National et le Mouvement Bleu Marine. Macron rempart, le seul à pouvoir terrasser le Dragon national ? C’est une farce, dont on pourrait et on devrait pouffer. C’est, au reste, ce que fait « Ridicule TV » qui met ironiquement en exergue le burlesque des discours de Macron. Ah, nos moutons de Panurge !
Mais sur quels éléments se fondent donc les bras cassés de la République ? Une fois de plus, les sondages ! On n’en aura jamais eu autant, pour tenter de nous convaincre. Mais voyez l’astuce :
Les instituts de sondage, en particulier Elabe et Sofres, affirment que Macron recueillerait (actuellement) 25,6% d’intentions de vote. Mais, précision utile, avec 55% d’indécis (choix non définitifs) parmi ces 25,5%. Calculons donc : 55% (d’indécis) sur 25,5% d’intentions de vote, cela fait 14,08% de votants « affirmés » pour Emmanuel Macron. Tel est le vrai niveau de Macron sur la base des sondages, si tant est qu’il est encore permis de leur accorder quelque crédit.
Chacun l’aura compris. La ruse consiste ici à faire admettre aux électeurs ce qui est irréel, afin qu’ils ordonnent et conforment leurs votes à cette mystification. La ruse est ancienne : Macron pèse 14,8%, mais puisque « on » veut qu’il atteigne les 25,5% de vote, ce score lui est accordé par avance, à grands renforts de matraquage médiatique.
Ce type de ruse est ancien. Il porte même un nom : la « théorie de Donogoo » que Bernard Hirsch (dit Bernard l’Africain) a mis en œuvre pour bâtir le nouveau Cergy. Il l’expose dans L’invention d’une ville nouvelle : Cergy-Pontoise, 1965 – 1975, récit d’un témoin. Mais, en réalité, Bernard Hirsch ne fait que reprendre l’intrigue d’une pièce de théâtre de Jules Romains, Donogoo-Tonka. L’intrigue est simple et le dénouement rocambolesque.
Reprenons ici le résumé de l’aventure que fait l’équipe de Terres Nykthes :
« Lamendin, peintre et architecte raté, recyclé dans les assurances, a des inclinations suicidaires. Il regarde le canal avec les yeux de qui est sur le point de sauter à l’eau. Il est dissuadé de son projet par un ami qui lui impose d’aller consulter un certain Ruffisque, un savant brésilien spécialisé dans la guérison des candidats au suicide. La thérapie appliquée fonctionne à merveille : le « suicidothérapeute » jette notre dépressif sur le chemin du professeur Le Trouhadec, en lui enjoignant de remettre sa vie entre les mains de cet homme. Le Trouhadec est un éminent géographe déchu : dans la somme qu’il a publiée au sujet de l’Amérique du Sud, il a minutieusement décrit une ville – Donogoo-Tonka – dont il est avéré… qu’elle n’existe pas et cela tache irrémédiablement sa carrière : cette erreur est devenue un obstacle rédhibitoire à son élection à l’Institut…
Lamendin alors surgit comme un miracle : à peine Le Trouhadec lui a-t-il confié son vœu le plus cher qu’il entreprend de trouver comment permettre au savant d’être élu à l’Institut. Lui vient l’idée de réparer l’imposture de la ville-qui-n’existe-pas… en la créant. Plus exactement, il va générer l’idée de Donogoo-Tonka ; il va faire naître cette ville dans les esprits en tissant autour de son nom tout un réseau de mensonges – par exemple de mirifiques possibilités d’investissements immobiliers assises sur de supposées ressources aurifères – qui vont constituer les fondements d’une « Société franco-américaine pour l’embellissement de Donogoo-Tonka », montée avec la complicité de Margajat, un banquier au moins aussi filou que lui… Le succès est foudroyant : des quatre coins du monde des migrants se mettent en mouvement pour aller à la conquête de ce nouvel Eldorado – que bien entendu ils ne trouvent pas. Il n’y a pas de ville ? Eh bien construisons-la ! C’est ainsi que les grugés se liguent pour faire sortir des sables Donogoo-Tonka… dont le profit retombera dans l’escarcelle des escrocs du premier jour. « Le Trouhadec dans tout ça ? Il n’est pas le dernier à tirer de ce coup monté les marrons bien rôtis puisqu’il parvient là où il voulait aller : à l’Institut « .
Avec Macron, c’est du Donogoo que l’on nous sert. Macron : un rempart bâti avec des sondages, de la pierre friable.
Il n’a pas de programme et ne peut en concevoir. Il ne sait pas ce qu’est un projet. Un programme, dussè-je le redire, est le « grammage » (répartition des poids) d’un pro-jet. Il présente au public un grand et vaste fourre-tout républicain, qui n’augure rien de bon pour la France.