Le désir de vivre ensemble : Épinay au cœur de la nation France
On l’entend un peu partout, et comme en d’autres domaines ce ne sont pas forcément ceux qui en parlent le plus qui le comprennent et le défendent le mieux. Le concept du « vivre ensemble » envahit les discours politiques dans de nombreuses villes françaises à l’occasion de ces municipales, et en la matière Épinay ne fait pas exception.
Il est toujours bon de rappeler que la paternité de ce concept appartient à Ernest Renan, dans le fameux discours Qu’est-ce qu’une nation ? donné en Sorbonne le 11 mars 1882, et devenu l’une des références théoriques majeures pour la définition de la nation France, alors que la IIIe République construisait sur les ruines de l’échec de 1870 les bases de la France d’aujourd’hui. Et voici le passage qui, en conclusion du discours (publié en 1887) a tant influencé les messages politiques ultérieurs :
« Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. »
L’héritage d’Ernest Renan est le reflet de la pensée de son temps, il a en d’autres points ses limites, mais le succès de cette formule a ses explications. Plutôt que « vivre ensemble » il faut bien parler de « désir de vivre ensemble » : voilà en effet la clé. Et la conception française de la nation ne nie pas le caractère essentiel de l’héritage du passé, bien au contraire elle le préserve et l’accroît. La langue (le français), l’histoire (de France), sont un patrimoine indispensable que tous les Français ont en partage, quelle que soit leur histoire personnelle, quels que soient leurs parcours individuels. Car :
« La nation, comme l’individu, est l’aboutissant d’un long passé d’efforts, de sacrifices et de dévouements. Le culte des ancêtres est de tous le plus légitime ; les ancêtres nous ont faits ce que nous sommes. Un passé héroïque, des grands hommes, de la gloire (j’entends de la véritable), voilà le capital social sur lequel on assied une idée nationale. »
Le vouloir vivre ensemble est ainsi non seulement au centre de la conception française – républicaine, démocratique, laïque – de la nation, mais reflète cet héritage national qui plus que tout autre élément constitue la richesse du peuple français. Ainsi la nation France :
« […] est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu’on a faits et de ceux qu’on est disposé à faire encore. »
Voilà pourquoi – et dans une ville populaire comme l’est Épinay plus encore qu’ailleurs – l’idée nationale doit être cultivée, le consentement réciproque du vouloir vivre ensemble doit être prolongé et ravivé.
Ces dernières années, la municipalité sortante a quant à elle fragmenté, divisé, opposé, faisant croire à la possibilité d’un fonctionnement communautaire, satisfaisant les particularismes, rejetant chacun dans une « culture de la différence » profondément anti-laïque et anti-nationale. Et c’est une faute.
Car la France n’est pas la culture des différences, elle est tout au contraire la défense et l’enrichissement d’un héritage commun qui ne nie pas les différences mais les harmonise et trouve toujours, au cœur de l’identité de chacun, l’élément universel d’une identité et d’une culture communes. Et cet héritage commun n’est pas que théorique, il est aussi la garantie pour tous de trouver au sein de la communauté des citoyens la place qui lui revient.
Cela implique, tout particulièrement, que chacun connaisse la langue française, à la fois pour en connaître la beauté et pour en maîtriser les subtilités, ce qui permet à tout citoyen d’être compris et entendu par ses interlocuteurs et par l’administration. Voilà l’une des missions essentielles d’une municipalité, pour aider ses administrés les plus fragiles et les moins socialement insérés.
Cela requiert, également, que le goût de l’histoire soit cultivé, que la commémoration des grandes dates de l’histoire de France soit respectée et que le maire en soit le premier garant. Cela suppose aussi que le souvenir des personnalités de l’histoire locale, depuis le salon de Madame d’Épinay jusqu’à la Résistance spinassienne, en passant par la gloire des studios de cinéma et des talents qui les ont traversés, soit entretenu. La municipalité a pour mission de faire connaître l’histoire de France et d’Épinay, et de faire que chaque Spinassien sache qu’il la possède en partage.
Épinay-sur-Seine est une ville populaire, elle est l’essence de la nation France. La solidarité entre ses habitants, le goût, non seulement du dialogue, mais du partage, non seulement de la vie « ensemble » mais de la volonté de vivre avec chacun de ceux qui composent avec lui le corps citoyen, voilà les principes dont dépend l’avenir de la ville. Épinay n’est pas qu’un mot : c’est la maison que les Spinassiens aiment ensemble, et qu’ils s’engagent à défendre et à construire pour tous, quels que soient les efforts demandés à chacun. Car, pour laisser le dernier mot à Renan :
« On aime en proportion des sacrifices qu’on a consentis, des maux qu’on a soufferts. On aime la maison qu’on a bâtie et qu’on transmet. »