Épinay et Mandela
Hier soir, 19 décembre 2013, se tenait le dernier Conseil municipal de l’année à Épinay-sur-Seine. Le point 3 de l’ordre du jour concernait la « Dénomination du futur centre socioculturel des Presles situé 64, 66 et 68 – avenue de la Marne ». Le maire de droite proposa que le nom de Nelson Mandela soit attribué à cet équipement public qui, pour lors, n’existe que sur le papier. Lors du vote, je me suis abstenu. Et comment ! Trois raisons expliquent cette abstention :
- C’est une proposition portée par des épigones (pâles successeurs) de Pierre Poujade et de Philippe de Villiers ;
- Il s’agit là d’une véritable fumisterie politique. En effet, ils veulent « honorer » Mandela quand, quelques mois auparavant, ils toléraient qu’un cadre français d’origine soit traité de « singe » en mairie, sans qu’ils ne daignent prendre de sanction disciplinaire à l’encontre des auteurs d’un tel acte raciste. Cette municipalité de droite est dans l’embarras. Elle peut mentir à tous les Spinassiens, sauf à elle-même. Car nul n’échappe à sa propre conscience ;
- Cette proposition n’est pas seulement paradoxale, elle repose sur un argumentaire somme toute faible et de surcroît contradictoire. En effet, on ne peut retracer l’exceptionnelle biographie de Nelson Mandela, « le dernier grand homme du XXe siècle », selon Barack Obama, et, en conclusion, proposer que son nom soit attribué à un équipement de quartier. Il faut un juste équilibre entre l’intention et la décision. En l’occurrence, la disproportion est bien trop grande, pour ne pas surgir comme ridicule et fumiste. Jean de La Fontaine, dans une brève fable, a bien restitué l’esprit emberlificoteur :
« Une montagne en mal d’enfant
Jetait une clameur si haute,
Que chacun au bruit accourant
Crut qu’elle accoucherait, sans faute,
D’une Cité plus grosse que Paris :
Elle accoucha d’une Souris »
(La Fontaine, La montagne qui accouche, in Fables, Flammarion, Paris, 1995, p. 172)
Cette droite alliée à l’extrême droite locale, en mal de gages anti-racistes, tente de s’emparer des symboles de gauche à la veille des élections municipales. Après avoir débaptisé, de fait, l’esplanade François-Mitterrand, voilà que cette alliance de la droite et de l’extrême droite locales vient d’attribuer le nom de Gilbert Bonnemaison à une « ruelle » d’Épinay-sur-Seine. On voit la manœuvre, la ficelle est trop grosse : toujours attribuer, quand elle ne peut faire autrement, le nom d’un homme de gauche à une petite infrastructure ou à un petit équipement de quartier. En revanche, heureuse Marlène Jobert, classée à droite et qui a vu som nom attribué à une grande et nouvelle école. Vaste fumisterie ! Les petits symboles pour les grands « leaders » de gauche et les grands symboles pour les petites personnalités de droite.
Notre organisation, Pour une Ville Juste Envers Tous, proposera que la rue de Marseille soit rebaptisée Nelson Mandela.
À chacun sa biographie. Lorsque je combattais l’Apartheid, M. Hervé Chevreau et M. Patrick Koniescny étaient en rang serré derrière Philippe de Villers. Aujourd’hui, ils n’ont renoncé à rien de leurs convictions premières. Ils s’accommodent.