L’insécurité : le nouveau paradigme de l’austérité
Rien ne va plus. Mais « on » veut faire croire le contraire, de ce que voient les yeux et ressentent les esprits, à l’aide de chiffres et de sondages tirés d’on ne sait de quelles enquêtes. « On » se moque de la « France d’en Bas », de celle des « ventres creux ».
En matière de sécurité publique, M. Emmanuel Valls et Mme Christiane Taubira organisent un déni de réalité. Leur posture offre un avantage tactique au mouvement bleu marine. Au reste, à chaque fois qu’un républicain s’obstine à refuser le réel, il affaiblit et la France et la République.
Partout, la « raison naturelle », c’est-à-dire le « bon sens », juge une politique publique à ses résultats et non pas à ses intentions, fussent-elles les plus belles. La sécurité publique s’est cristallisée en vœu pieux, quand on se souvient du discours du Bourget le 22 janvier 2012, dont la promesse était pourtant claire et même claironnante :
L’égalité, affirmait alors François Hollande, c’est aussi la sécurité pour tous. Vivre dans la peur est insupportable ! L’insécurité est une injustice sociale intolérable. Elle touche les plus modestes, les plus âgés, les plus jeunes, les plus fragiles. La sécurité est un droit et je le ferai respecter en créant des zones de sécurité prioritaires là où il y a les taux de délinquance les plus élevés, en mettant des postes supplémentaires, 1000 chaque année, dans la Justice, dans la Police, dans la Gendarmerie, en rapprochant les forces de l’ordre des citoyens. Et je lutterai contre tous les trafics, toutes les mafias. Pas plus que je n’accepte la délinquance financière, la fraude fiscale, pas plus je ne tolère qu’un petit caïd avec sa bande mette une cité en coupe réglée et fasse vivre à ses habitants un enfer. Tous ceux-là, les délinquants financiers, les fraudeurs, les petits caïds, je les avertis : ceux qui ont pu croire que la loi ne les concernait pas, le prochain président les prévient, la République, oui, la République vous rattrapera !
Depuis, formidable ironie de l’histoire, c’est Médiapart qui a « rattrapé » le fraudeur fiscal en chef, Jérôme Cahuzac, alors que la République a semblé, un moment, le protéger en feignant de croire en ses « vrais » mensonges et ses hautes balivernes. Mais, plus inquiétant, depuis le beau et pieux discours, l’insécurité et la délinquance ont progressé. On tue à Marseille, aujourd’hui bien plus qu’hier. Jeunes contre jeunes, les assassinats y sont de plus en plus scabreux et atroces. Les quartiers nord sont livrés à eux-mêmes. Plus bas, l’Île de beauté n’est pas en reste. On y règle « les comptes », en plein jour. Facture à l’arme de guerre. Paris n’est nullement épargné. Et ses banlieues sont abandonnées. En prison, les détenus ont désormais un héros : Redouane Faïd.
Mis à part Mme Christiane Taubira, qui veut le nier ? C’est que, audacieuse, chiffres à l’appui, elle vient de créer un paradigme sociologique : « plus une crise sociale et économique est forte, moins il y a de délinquance ». Donc, plus d’austérité produira moins de délinquance.
Emmanuel Valls, lui, est bien plus modeste. Totalement impuissant, il s’est convaincu qu’à imiter la démarche de Mac Garrett, héros d’Hawaï Five-0, Police d’État, mais aussi à emprunter les sourcils froncés de Charles Pasqua et à parler avec résolution comme Nicolas Sarkozy suffiraient à effrayer les caïds et à enrayer la délinquance. Il n’a pas de résultats. S’il n’a pas réussi, dans sa ville, comment le pouvait-il au niveau national ? Or, il serait même pressenti comme Premier ministre. Ce qui revient à formuler le deuxième paradigme gouvernemental : plus on échoue, plus on gagne en responsabilité.
Même à petits pas, la droitisation constante du gouvernement est une impasse. C’est l’idée de droitisation qui est mauvaise. En effet, si elle a avait été bonne et adéquate, Nicolas Sarkozy et François Fillon n’auraient pas échoué.
C’est que les socio-démocrates du Parti socialiste ont toujours la faiblesse de croire qu’ils sauraient mieux appliquer que la droite une politique libérale. Ils avancent avec courage vers une impasse qui, à bien des égards, rappelle celle d’avril 2001.
Le gouvernement et le Parti socialiste traversent une double crise. Tout d’abord, une crise de la connaissance. Ils ne savent pas ce qu’est l’insécurité. Ensuite, une crise de la volonté. La mollesse publique, si bien décrite par Bossuet, est la conséquence de cette double crise, et non sa cause comme le croient maints journalistes et sociologues.