Épinay : graves irrégularités sur la bourse au permis
Le dispositif de la « bourse au permis » est le résultat d’une Charte signée entre l’Association des maires de France (AMF) et le secrétariat aux transports le 20 décembre 2007, suite à des initiatives concluantes dans les villes de Suresnes et de Carcassonne. Cet accord a mené à une mise en œuvre dans de nombreuses communes depuis 2008, en suivant la plupart du temps les éléments fournis par l’AMF. Épinay-sur-Seine fait partie de ces communes bénéficiaires depuis 2010, mais l’application par la municipalité actuelle est l’occasion d’un certain nombre d’irrégularités qu’il convient de souligner et que la prochaine municipalité devra corriger.
Une gestion opaque
La première irrégularité est grave, et correspond à une tendance inquiétante de la municipalité sortante dans tous les domaines. Le fonctionnement de la bourse au permis est accaparé par l’entourage du maire, sans aucune transparence.
Ainsi la gestion des candidatures est-elle confiée au Service prévention de la mairie. La bourse au permis de conduire est pourtant un dispositif visant principalement à faciliter la formation et l’insertion professionnelle des jeunes, bien loin des compétences du Service prévention, dont les compétences d’ailleurs très floues sont principalement liées à la problématique de la sécurité.
Plus grave encore, selon le site de la mairie, les justificatifs de la candidature à la bourse doivent être envoyés « à l’attention de Monsieur le Maire », ce qui atteste d’un processus de sélection capté par le maire et son entourage, sur des critères de toute évidence très personnels.
Même les délais et les éléments budgétaires de ce dispositif sont tenus dans une opacité épaisse. Initiée en 2010, la bourse ne fonctionne pas à un rythme annuel. Quant au coût et au bilan de ce dispositif, aucun élément n’est communiqué par la municipalité. Même le nombre précis de bénéficiaires et leurs situations sont tenus confidentiels.
D’autres municipalités, plus sérieuses et honnêtes dans leur gestion, ont mis en place des procédures strictes. C’est le cas de la ville de Suresnes qui avait préfiguré ce dispositif, opère une double sélection, d’abord par un comité technique indépendant composé d’acteurs associatifs et de services municipaux dédiés à la jeunesse, ensuite par un comité de suivi et de décision composé d’élus de la majorité et de l’opposition, et de représentants de la municipalité et des polices nationale et municipale.
Le détournement d’un dispositif social
L’attribution selon le bon plaisir du maire est véritable trahison des principes édictés par la charte de l’AMF et du ministère des transports en 2007, puisque la bourse doit s’adresser aux jeunes « qui ne disposent pas de ressources personnelles ou familiales suffisantes pour passer le permis de conduire ». Les communes ayant adopté la bourse au permis en ont ainsi clairement placé l’obtention sous conditions de ressources.
Or cette difficulté de financement n’est absolument pas mentionnée parmi les conditions à l’obtention de la bourse à Épinay-sur-Seine, la mairie insistant au contraire sur la communication de justificatifs de situation scolaire ou professionnelle. En d’autres termes, les personnes qui ont le plus besoin de ce dispositif, les jeunes à la recherche d’un emploi notamment, en sont tacitement exclus.
À moins peut-être de connaître Monsieur le Maire… Ainsi peut-on lire dans le dernier Épinay en scène, sous la plume même du maire sortant : « les trente Spinassiens les plus motivés en bénéficieront ». Absolument aucune référence n’est faite à une quelconque visée sociale, et à la lutte contre les inégalités d’accès au permis. La motivation comme seul critère, ou le meilleur paravent à l’arbitraire et au clientélisme.
Les visées clientélistes de cette mise en œuvre sont d’autant plus évidentes en cette année d’élections. La bourse au permis est en effet organisée en 2014 pour la quatrième fois, et alors qu’elle n’avait pas eu lieu en 2013. Elle est surtout organisée juste avant les élections municipales, puisque les dossiers doivent être déposés à la mairie le 19 février, un mois avant la tenue du scrutin. Les personnes non admises en seront-elles informées avant le 23 mars ?
Les nouveaux résidents exclus du dispositif
Un autre critère encore est à souligner pour l’injustice qu’il entraîne. En effet, le fait de résider « depuis au moins deux ans » à Épinay fait partie des conditions pour l’obtention d’une bourse au permis, excluant de fait tous les nouveaux résidents.
Rappelons que, légalement, aucune condition d’ancienneté de résidence dans une commune n’existe pour l’accès à un quelconque droit, si ce n’est le droit de vote, une résidence de six mois seulement étant exigée pour l’inscription sur les listes électorales dans une commune. En créant une condition de deux ans de résidence pour accéder à un dispositif social aussi crucial pour la réussite des jeunes, la municipalité d’Épinay méconnaît de toute évidence le principe fondamental d’égalité, et s’expose d’ailleurs à des recours juridictionnels de la part des demandeurs dont le dossier serait rejeté sur ce principe. Une injustice envers les nouveaux Spinassiens, doublée sur ce dossier comme sur d’autres d’une nouvelle preuve de l’amateurisme de la municipalité de droite.
Cette condition est d’ailleurs elle aussi l’occasion d’un nouvel abus. Pour vérifier cette ancienneté de résidence, parmi les justificatifs demandés par « Monsieur le Maire » figure ainsi une photocopie « lisible » de la taxe d’habitation des deux années précédentes. C’est là une nouvelle irrégularité, puisque la municipalité fait le lien entre l’obtention éventuelle de la bourse et la contribution fiscale des candidats ou de leur famille au budget de la municipalité. Une nouvelle fois, ce dispositif visant à faciliter l’insertion professionnelle des jeunes dans la nécessité est apparemment détourné dans un but clientéliste, et voit le maire actuel s’attribuer un droit de regard personnel sur des éléments tels que les impôts payés par chaque famille, ce qui frise l’abus de pouvoir.
Les activités bénévoles transformées en travaux d’intérêt général
Le dernier point est une autre trahison des principes de la bourse au permis rendue possible par la charte de 2007. Il était en effet prévu que les bénéficiaires de la bourse s’engagent « à réaliser une activité à caractère humanitaire ou social », ce qui devait leur permettre de s’ impliquer dans la vie de leur ville, dans des associations ou des services publics. Cette promotion de l’engagement citoyen est une réussite dans la majorité des villes qui ont adopté la bourse au permis. En laissant aux jeunes la liberté de s’engager dans le domaine qui leur plaît le plus (dans une association culturelle ou sportive, dans le soutien éducatif, ou bien encore auprès des services des espaces verts) ces villes ont éveillé de nombreux jeunes au bénévolat et entraîné chez certains d’entre eux le désir de poursuivre cette contribution.
Rien de tel à Épinay, puisque les jeunes n’ont absolument pas le choix de l’activité qu’ils pourront offrir en contrepartie, et que les associations de la ville ne sont pas associées à ce dispositif, et ne peuvent en bénéficier malgré leurs besoins fréquents en bénévoles.
Ce manque d’intérêt du maire actuel pour la vie associative spinassienne se traduit ainsi par la transformation de la contribution bénévole à « une activité à caractère humanitaire ou social », en une véritable « condamnation à des travaux d’intérêt général ». Plutôt que d’éveiller l’esprit citoyen des bénéficiaires, ce qui est aussi un facteur crucial d’insertion, la mairie d’Épinay précise en effet que « les boursiers s’engagent à effectuer 35 heures de bénévolat dans le cadre d’une action de sensibilisation à la propreté et au respect du cadre de vie proposée par la Ville ». Rien ne dit si l’ensemble des bénéficiaires, notamment ceux cooptés par le maire, sont condamnés à ramasser les détritus dans les rues : l’absence de suivi ne permet pas de vérifier cette application.
Le dossier de la bourse au permis, à Épinay, reflète la conception très particulière d’un dispositif social par l’actuel maire, mais aussi sa façon, de considérer la jeunesse spinassienne, et de gérer la vie associative ou encore problèmes de propreté. Bricolage, amateurisme, opacité. Un résumé de la gestion municipale de l’équipe sortante.